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Episode n°49 : La souffrance de celui qui quitte

11 min | 03/10/2023

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Résumé

Notre associée Karine éclaire dans cet épisode particulier le cas de "l'abandonnant" d'une séparation, le plus souvent occulté au profit de "l'abandonné" dans la littérature courante. A-t-il vraiment des raisons de se plaindre ? Est-elle, elle aussi, une victime dans la séparation ? Comment surmonter le poids de la culpabilité de la décision prise ?...

Retranscription de l'épisode

Bonjour, vous écoutez l'épisode numéro 49 de « parlons divorce avec Karine ». 

Pour cet épisode 49, nous allons parler de la souffrance de celui qui quitte

J'ai essayé de lire beaucoup de choses sur les différents aspects de la rupture amoureuse et je trouve, qu'elle est souvent traitée du côté de ce qu'on va appeler, « l'abandonné » (celui qui est quitté)

Et « l'abandonnant », c’est-à dire celui qui va prendre la décision de la rupture, son état de souffrance, son ressenti, n'est pas très souvent abordé.

Je peux même dire que parfois, il est même vu comme le « bourreau » par la société. 

C'est un regard assez particulier qu'on porte sur celui qui prend la décision de la séparation, et je crois que c'est important d'aborder ce sujet, pour aussi donner un autre regard que celui que la société peut porter 

Il faut aussi expliquer ce qui va se passer en lui, car il est un membre du couple, il prend la décision, et derrière, il peut parfois être un peu abandonné notamment par son entourage. 

« L’abandonnant » est perçu comme « l’homme fort » ou « la femme forte » évidemment, et étant donné qu’il prend la décision, on s’attend à ce qu’il s’en porte bien, et qu’il sache exactement où il va et où il veut aller. 

On attribue à cette personne, la puissance de la situation, puisqu’il ne la subit pas, avec derrière une forme de croyance collective ; « Si cette décision ne lui convenait pas, il ne la prendrait pas ».

C’est la raison pour laquelle, on ne se soucie que très peu de lui, et on lui porte parfois un regard peu sympathique et plein de reproches. 

Or, cette personne va ressentir ce poids sociétal, il va avoir ce regard effectivement porté sur lui, qui lui dit qu’il n’a pas le droit de se plaindre de sa situation puisqu’il en a décidé ainsi.

J'ai beaucoup travaillé avec des psychologues sur ce sujet, et j'ai découvert des choses très intéressantes sur ce qui se passe pour celui qui prend la décision, et qui a mon avis doivent être dites, doivent être entendues et notamment entendu par « l’abandonné » qui lui, reproche à l’autre membre de l’avoir laissé tomber, et de maintenant vivre heureux sans souffrance, alors que lui souffre. 

 

Avec ce mode de pensée, on rentre dans ce que l'on appelle le fameux triangle de Karpman, avec la victime, le bourreau, et par moment le sauveur. Et dans ce triangle-là, chacun reste dans sa position fixe en se disant qu’il y a une victime qui souffre et un bourreau qui fait souffrir. Mais cela n’est pas si facile, car il n’y a pas des personnages définis, mais bien des êtres humains qui se retrouve face à des difficultés à un moment de leur vie, qui vont pousser l’un à prendre une décision. 

Mais le travail des psychologues a permis de de démontrer que celui qui prenait la décision avait même une souffrance supplémentaire, qui est la culpabilité de la prise de cette décision. 
 

Dans l’esprit collectif, on croit que celui qui prend la décision n'a pas de deuil à faire, sauf qu’il a en réalité deux travails à mener, celui de faire le deuil de la famille, qui engendre une réelle souffrance mais qui est tout à fait normal et légitime, et deuxièmement celui de porter le poids de la décision et donc de faire face à la culpabilité. 

En effet, pour la période de deuil, il faut passer par les différentes étapes ; le déni, la colère, la tristesse, puis finalement l’acceptation et la reconstruction, et même celui qui prend la décision doit le vivre et surtout le dire. 

Donc encore une fois pour insister sur ce point ;  il est normal de souffrir lors d’une séparation et même lorsque vous êtes à l’origine de la décision.

Evidemment, une séparation ne se fait jamais de gaieté de cœur, il n’y a aucun plaisir pour personne à passer cette étape.

 

L’initiative de la séparation est extrêmement douloureuse et violente, elle vient interroger, remettre en question des certitudes et valeurs que l’on peut avoir. 
 

Cette décision, même si c’est la bonne pour vous, reste difficile. 

 

Et je pense qu’il est important que les gens qui le vivent, l'entendent, parce que souvent, ils se mettent en lutte contre leurs émotions et c'est à ce moment-là qu’ils peuvent entrer dans des mauvaises phases. 

Alors que s’ils s’autorisent à être triste, à vivre des moments douloureux, et à prendre leur temps pour faire eux aussi leur deuil de la famille, cela leur permettra d'aller vers un apaisement, et une meilleure reconstruction.  

Donc entendez le bien, le fait de prendre la décision ne veut pas dire qu'il n'y a pas de souffrance, ne veut pas dire qu'il n'y a pas de deuil de la famille à faire, ce deuil de la famille est normal, tout comme les émotions de tristesse et les émotions difficiles que vous pouvez ressentir.  

 

Ce qui vient se cumuler avec donc cette souffrance et ce deuil de la famille à faire, c'est la fameuse culpabilité. 

J'ai fait un podcast spécialement sur ce sujet, c'était important de le faire, vous pouvez vous y reporter pour aller plus en détail sur comment la gérer.

Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que celui qui prend la décision, il porte effectivement cette culpabilité de faire du mal à l'autre, je n'ai jamais vu dans mes clients, quelqu'un qui avait du plaisir à rendre triste son compagnon ou sa compagne. Mais il y a aussi la culpabilité vis-à-vis des enfants, se dire qu’on bouleverse leur vie, et encore la culpabilité vis-à-vis des de la famille, des amis, on vient bousculer tout un tas de choses, un certain équilibre qu’on avait créé dans notre vie. 

Donc on a ces deux sentiments qui vont se cumuler pour la personne qui décide, la douleur d'avoir un deuil de la famille à faire et qui est souvent rejeter, ajouté à une culpabilité. 

C'est pourquoi, j'insiste toujours beaucoup auprès des personnes qui ont pris la décision de divorcer, d'être accompagné psychologiquement à ce moment-là. 

Parce que la personne qui décide de la séparation, est souvent de côté, puisqu’on s’attend à ce qu’elle aille bien, alors que l’on est en réalité, en train de nié une souffrance qui est normale. 

 

Et je crois qu’il n’y a rien de pire que de venir nier une souffrance auprès d'un être humain, on lui enlève sa part d'humanité et on lui enlève sa part de doute qui est légitime à ce moment-là. 

Et j’aimerais qu’on puisse avoir une autre vision sur la séparation par ce biais-là, car cela nous permettrait d’avancer aussi un petit peu mieux dans la résolution des conflits, c'est à dire que si la personne qui décide, prend en charge sa propre souffrance, accepte d'accueillir ses émotions, elle sera plus apaisée par la suite. Et de plus, si « l’abandonné » prend conscience aussi de ce que vit l'autre, ils pourront mieux avancer sur la séparation, dans une bienveillance mutuelle. 

Je pense qu'on a vraiment un travail sociétal à faire sur le regard que la société porte sur la séparation, et notamment sur celui qui décide, parce que cette décision n'est jamais prise de gaieté de cœur ; 

il n’y a personne qui a pour projet de vie d’avoir des enfants puis de se séparer par la suite, car ce n’est jamais un plaisir, mais par moment cela devient une nécessité, cela devient une forme d'honnêteté que devoir se séparer, mais une honnêteté qui peut être douloureuse. 

Alors acceptez vos sentiments, accueillez-les, et n'hésitez pas à vous faire accompagner, parce que c'est normal d'être en difficulté et d'être en souffrance, et le pire de tout, c'est de nier cette souffrance et de ne pas la prendre en charge. Je travaille avec une psychologue en qui j’ai confiance, et que je recommande à mes clients, car je pense que pour une séparation, les avocats ne peuvent pas tout faire, puisqu’il y’a un réel travail à faire sur soi de la part du client, et à ce moment-là, un accompagnement peut être indispensable pour les aider à y voir claire. 

En tant qu'avocat, j’interviens des deux côtés dans les séparations, et j'arrive donc très bien à percevoir cette attitude de celui qui a décidé, qui n'ose pas avouer ses souffrances car il ne s’en sent pas légitime, et il me semblait donc nécessaire de clarifier cela, en rappelant qu’il a le droit, que vous avez le droit, de vous plaindre et d’exprimer vos difficultés. 

Ce podcast était important pour rappeler le point suivant ; celui qui prend la décision me semble parfois lui-même un petit peu abandonné et peu pris en considération sur les souffrances qu'il peut ressentir, alors qu’il devrait pouvoir les exprimer

J'en ai terminé avec cet épisode n'hésitez pas à me faire part de vos remarques, vous pouvez bien sûr nous envoyer un mail, noter également cet épisode ou de le partager avec des personnes qui pourront en avoir besoin. Je reçois souvent des petits messages de personnes qui me disent que ça peut les aider et que ça leur permet de mieux comprendre et de mieux avancer dans leur divorce, donc n'hésitez pas à partager ces épisodes avec ceux qui rencontrent ce genre de difficultés. 

Je vous dis à bientôt pour un prochain épisode.